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DE FREUD À LACAN

  

Par Mohamed Lamine Trifi (novembre 2003)

Docteur en psychologie, Psychologue, Psychanalyste (TUNISIE)

 

Courrier électronique: mohamedlamine.trifi@laposte.net

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Avant propos

L’occident vit un étouffement de la nature de l’effet de serre, du fait qu’il s’est coupé de ses racines et de l’oxygène qui le nourrit, il s’asphyxie doucement, doucement mais, inéluctablement. Comme nous l’avions sorti par le passé de son ignorance, nous espérons pouvoir le sauver aujourd’hui de ses folies meurtrières.

De l’humanisation de l’être à la socialisation du sujet.

Nous nous considérons comme les continuateurs de la psychanalyse de Freud et de Lacan. Notre travail est un retour à cette œuvre sans en être une relecture. Œuvre dans laquelle nous nous reconnaissons et en même temps nous reconnaissons ses interrogations et ses limites. Par ce retour, nous espérons clarifier ses interrogations et ouvrir ses limites afin d’établir l’être humain dans son humanité au delà de sa sociabilité, cela le mettrait à l’abri des tentatives répétées tout au long de la marche de l’intelligence humaine à travers l’histoire de le rattacher ou de le ramener à ses instincts, si non à son animalité supposée.

Nous parlions des interrogations et des limites de l’œuvre de la psychanalyse de Freud et de Lacan, deux exemples pour illustrer cela.

Freud, et à sa suite l’anthropologie structurale ont repéré dans le complexe d’Oedipe le noyau de la sociabilité du sujet. Ainsi, par l’Oedipe le sujet humain fait son passage de l’état nature à l’état culture, registre de l’échange et de l’organisation des symboles par excellence. Mais, ni Cl. L. Strauss, ni Lacan ni Freud ne nous ont expliqué le POURQUOI de ce passage. Qu’est ce qui le rendait obligatoire pour le sujet humain? Et encore plus, pour quelles  raisons  intellectuelle, éthique, morale ou religieuse etc. Cette coïncidence entre le passage et les lois d’organisation de la famille: l’interdit et l’inceste doit s’effectuer. Et pourquoi la pluralité des conditions telles la différence des sexes, la  rivalité, la concurrence se greffent-elles à l’Œdipe ?  

         Revenir à ces questions, d’un côté réactualise l’interrogation continue de la psychanalyse sur l’humain et aiderait à la compréhension  de son humanité. Parce qu’il faut reconnaître que la psychanalyse  se préoccupe de l’humain sans se préoccuper comme il se doit  de son  humanité. Et à notre sens, cela ne doit pas être laissé à la seule réflexion  de la philosophie ou de la religion. En plus, derrière ces interrogations se cache une confusion théorique. Cette confusion concerne le refoulement originaire. Selon Freud il y a deux refoulements: un originaire, primaire et un  secondaire. Concernant ce dernier, il précise qu’une représentation est refoulée sous l’action d’une répulsion du pré-conscient et d’une attraction du refoulé (qui représente l’inconscient). Concrètement comment cela se passe- t-il? L’action répulsive s’effectue en deux étapes:

1- Un désinvestissement de cette représentation au niveau du Pré-Cs.

2- Son refoulement implique son contre investissement dans la chaîne signifiante pré-consciente par une autre représentation.

 

Jusque là, tout est clair. La complication intervient au niveau du refoulement originaire. Freud pose la nécessité de concevoir l’existence d’un refoulement primaire qui établit l’inconscient afin d’être en mesure de rendre compte du mécanisme du refoulement secondaire puisque ce dernier s’effectue par attraction de la part de l’inconscient déjà formé. Et là, les choses se compliquent encore plus. Car Freud précise d’autre part qu’on ne peut parler de désinvestissement à propos du refoulement originaire, puisque la représentation refoulée n’a jamais été consciente. Alors, pour sortir de cette impasse, il propose la solution suivante : remplacer le désinvestissement par un contre   investissement qui devient ainsi le seul et unique mécanisme du refoulement originaire. 

Insatisfait de cette solution Laplanche propose une autre solution. Il suggère l’admission d’une sorte, d’un moment mythique primitif ou la différenciation des systèmes  pré-conscient et inconscient s’annule, autrement dit n’existe plus.

Les deux solutions sont efficaces, sans nul doute surtout sur le plan théorique, mais elles n’aident en rien à la compréhension du sujet humain.  Car nous considérons que le concept de base de la psychanalyse l’inconscient arrive à ses extrêmes limites, et il ne permet plus d’aller plus loin, ni sur le plan de la compréhension de l’humain, ni sur le plan pratique de  la cure. Pour ces raisons nous espérons pouvoir dire que nous sommes en mesures de répondre à ces attentes, et cela en plaçant la psychanalyse dans son environnement humain au delà de son expression sociale.

L’Œdipe est l’expression universelle inconsciente de la socialisation de sujet humain, mais ne reconnaître au sujet que son être social le réduirait, le paralyserait dans des schémas comportementaux.

La socialisation du sujet n’est pas une donnée première, elle est la conséquence d’un autre moment structurant, ce moment représente l’intervention du champ du réel (de l’inaccessible) dans celui de l’être (humain) et c’est en ce   moment que s'opère la genèse de son humanité et son inscription dans un ordre social ultérieurement .La socialisation en dehors de cette présence totale du Réel tel que nous le concevons laisse le sujet en deçà de son humanité et ne serait qu'une forme de dressage sans grand effet. Mais une fois ce passage fait, ce moment formera l’inaccessible: Hors de la portée du Conscient et de l’inconscient du sujet.

     En définitive sans ce moment il ne peut accéder ni au symbolique, ni à l’imaginaire, ni au rationnel. Il restera clivé dans sa dimension sensorielle qui le place entre l’humain et l’instinct animal. Autrement dit, les portes de la culture et  celle du langage lui restent inaccessible..

 

Nous verrons plus tard que le psychotique souffre de ce non accès. Donc, la présence totale dont nous parlions est le moment de l’ancrage du réel dans les 3 ordres confondus. Pourquoi confondus? Parce que ce processus se passe très tôt dans la vie fœtale. C’est lui qui met fin à la vie végétative intra-utérine de l’être. Il lui ouvre les portes de son humanité, mais il le laisse encore sujet à ses relations avec ses géniteurs et surtout avec celle qui le porte. Sans ce moment, les trois dimensions ne s’articulent jamais, et le langage restera au-delà de la portée du sujet.

L’articulation de ce moment nous explique l’identité des structures du sens dans le langage humain au-delà des frontières, des races et des cultures. Il facilite pour cette raison l’échange entre les cultures et nous explique les similitudes de l’avancée de l’intelligence humaine dans  diverses régions isolées de la planète. Le langage lui-même ne peut ni s’identifier au Réel ni s’y substituer. Pour ces raisons, ce moment structural par excellence est le moment du processus de symbolisation au sens d’engendrement. A partir de cet instant, l’être est repéré comme humain et en même temps comme autonome malgré sa dépendance encore totale à celle qui le porte. 

Nous pouvons transcrire ce moment. C’est la triangulation modèle de toute autre triangulation et surtout celle de l’Oedipe: la triangulation socialisante en tant que la première est la triangulation humanisante.

Cette première triangulation nous pouvons la transcrire autrement.

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L’humain par cette présence totale acquiert le sceau de son affranchissement, il ne serait plus l’otage du non sens de l’autre.  Il est repéré comme entité humaine. C’est le moment de sa Vérité. Cette Vérité se dérobe à la confusion c’est la clarté sans équivoque. Le sens est plein.

Le second moment il le vivra pendant sa mort, mais jamais avant. Bien sûr, le plein sens n’est pas à l’abri de l’insensé, et ce n’est que leurre que le prendre comme garant de quoi que se soit comme  le font les religieux, les philosophes les scientifiques.

Cette Vérité n’est pas la matérialisation d’aucun objectif, ni moral, ni idéologique, ni maïeutique. Mais, par contre elle est, aussi, la garante de tout cela. Sans cette Vérité totale, point de sens.

Quel est le temps de ce moment structural de la genèse de l’humanité de l’humain ?

il faut considérer deux temps le temps maïeutique (intemporel), celui du réel et le temporel, le temps débutant de l’être humanisé par l’interruption du réel en lui. 

  Le premier temps est celui de -¥ a +¥ (moins  l'infini, plus l'infini) et le second de celui engendré par le rythme circadien de la succession du claire et du sombre: le jour et le nuit. Entre ces deux faces, une barrière se place qui va les séparer à jamais. Le temps réel restera à jamais en dehors de la portée du sujet humain. Cette barre « barzakh » (une frontière imaginaire en arabe) séparant l’intemporel et le temporel et comme nous venons de le préciser, le temps réel, forme l’inaccessible à tout travail intellectuel quel qu’il soit. Le second est le temps de la réalité quotidienne, sur sa chaîne va s’inscrire l’histoire personnelle avec ses « topiques » le conscient et l’inconscient, selon la psychanalyse de FREUD et de J. LACAN mais qui ne sont en fait que le conscient et le subconscient. L’inconscient se place de l’autre coté de la barre. Il n’a rien à voir avec le refoulé au sens freudien parce que l’autre côté de la barre représentant le réel, son contenu n’est pas refoulé au sens d’une incompatibilité avec le conscient et le préconscient. La projection de cette barre nous la retrouverons plus tard dans la réalité qui sépare les deux faces du signe linguistique.

signe= signifiant / signifié

Sans la première symbolisation avec ses paradigmes et ses syntagmes qui ouvre l’être sur son humanité, il est impensable d’imaginer un système linguistique totalement codifié sous  sa forme diachronique et synchronique. C’est l’intervention  du social qui lui donne les outils de la pratique de cette humanisation dans sa vie quotidienne.

 

La première symbolisation :

réel = universel = garant de l’humanité de l’humain 

réalité = temporel = garant de la socialisation

C’est la conjugaison de cette symbolisation entre l’universel et le temporel qui est garante du sens contrairement à ce que croient les linguistes. La genèse du sens n’est pas le fait de l’ordre sociale mais de l’humanisation du sujet. A partir de ce moment l’humain ne ressemble à rien d’autre qu’a lui même. Ce qui  leurre  c’est leur projection du processus organique d’engendrement chez l’humain sur le non humain. Ceci s’explique non pas par l’unité de l’origine (des deux : humain et animal) mais par l’unité du créateur. Ce moment met l’humain sur le chemin du sens : c’est a dire du savoir, de la culture et chez le non humain sur le chemin de l’instinct de la programmation génétique et du reflex comportemental.

Donc, la retrouvaille entre les deux facettes de la barrière est exclue à jamais ; dans le cas contraire, cela ne serait qu’un  simple accomplissement d’une programmation génétique comme chez l’animal.  Et bien que l’homme n’ait  pas changé du point de vue physique depuis ADAM mais l’évolution de son intelligence est vertigineuse. Cette évolution est due en très grande partie au langage. Le langage est le matériel d’extraction de ce minerai  qu’est l’intelligence. Cette fusion ou rencontre entre les deux facettes reste le fantasme de toutes les sensibilités de l’intelligence humaine, du philosophe, de l’artiste, du scientifique et du religieux.

Ainsi, le signe devient le miroir aux alouettes de l’intelligence humaine.  Car le langage n’est ni la vérité ni à l'origine de cette vérité  .Il est le chemin de la croix de cette vérité. la vérité est au delà de la barre. Pour cette raison toute identification entre le signe et la vérité reste vaine et erroné. Les teneurs de vérité de tout ordre sont les vrais dangers pour l’intelligence humaine. Pour l’humain, la vérité est la garante de l’intelligence, et sont matériel est le langage. Le signe sert de point de repère et d’appui à la fois dans cette quête du sens qui devient une enquête sur la vérité physiologique. C’est la fuite en avant imposée par l’idéologie scientiste.

La vérité devient le fantasme du signe, mais sans ce signe la réalité devient le non sens et la vérité devient un programme purement génétique à réaliser.

La barre a retenu longtemps Narcisse avant de se jeter dans l’eau à la recherche de son image, comme le rapporte la légende. Quand le langage ne remplit plus le vide qui sépare Narcisse de son image, il revient à la case de départ ; ainsi, il franchit sans grande hésitation la barre, mais il ne sait pas que c’est un aller simple, autrement dit, définitif sans retour. La barre ouvre l’humain sur sa sociabilité mais elle ne l’ouvrira sur sa vérité qu’une seule fois, pendant sa mort.

Autrement dit, l’humain, grâce aux deux barres du sens et du signe linguistique, est condamné à ne pas connaître le salut total, c’est dans cet espace entre le désespoir et l’espoir qu’il épuisera son énergie jusqu’au moment fatidique ou il suivra la trajectoire de Narcisse en se jetant dans l’eau.

Narcisse est tout, sauf intelligent. Narcisse représente  le cerveau humain quand il se coupe de tout sauf de sa logique infernale purement mécanique. Son fantasme sera comment se fait il Dieu ?et là rien ne peut arrêter Narcisse : franchir la barre pour voir qu’est ce qu’il y’a derrière. Le chemin devient exigu et la course est quasi suicidaire. Il ne faut pas croire que ce qui a poussé Narcisse au puits est seulement la recherche de son image, c’est surtout  sa solitude... mais sa solitude. Car le langage ne pouvait plus jouer le filet du cascadeur. Il est revenu par son geste, à son piège inaugural infernal de la fusion totale. Le langage à un certain stade devient incapable d’être l’alibi ...Il devient comme le regard du mort vide, froid, il fait peur surtout, alors tout s’arrête et la présence totale sonne le glas de la barrière elle ne peut plus freiner l’élan et c’est le plongeon de Narcisse à la recherche de cette délivrance que le langage ne procure plus.

Le moment inaugural qui fonde l’être dans son humanité, est au–delà du langage. L’être le vit d’une manière très particulière.

L’appel sous forme d’ordre:" Sois", le sujet est secoué au plus profond de lui même, avec tout son être il prend acte. Hébété… On ne lui demande pas son avis, c’est un ordre, une seule réponse lui est permise. Oui (obéissance)… Et la sentence continue, « Je ». L’être, comme signe d’acceptation répète « oui », « Je », Autrement dit : obéissance et reconnaissance que vous êtes « Je ». Plus tard, cette reconnaissance devient une pure croyance ou une simple désobéissance quand il se prendra lui même pour « Je ». Des cultures entières sont fondées sur « Je suis », c’est le délire érigé en culture.

Le moment inaugural tombe tout de suite et à jamais sous le couperet de la barre. Il constituera l’inaccessible, en dehors de tout travail intellectuel. Il restera pour l’humain un moment d’émerveillement et il formera l’objet de sa quête, sa vie durant. Il tournera en rond en essayant de reproduire cet instant et de ce fait il ne fait qu’approfondir sa perdition.

A peine revenu à lui même de son hébétement, il prend conscience qu’il n’est pas seul au fait.

Beaucoup tomberont dans le piège. Ils prendront la porteuse comme la matérialisation du « Je » annonciateur de «Sois». Et c’est la grande confusion.

La porteuse est la seule responsable de cette confusion. Comment cela se passe-t-il ? « Sois » provoque un sursaut, tout le corps du fœtus se contracte et se décontracte. Cette grande secousse est le premier vrai mouvement du fœtus dans le ventre maternel…

La mère, réagit à ce premier vrai mouvement de son fœtus (enfant) dans son ventre par une jubilation de joie : « Mon enfant »…L’enfant, gardera de ce « mon enfant » comme un échos à « Sois ». Ainsi la confusion est semée …Parfois pour toujours. La mère sans le savoir a pris une place qui n’est pas la sienne en se substituant au « Je » faisant ainsi de son enfant son pur produit.

 

Donc deux lieux à « Sois » 

1- Le « Je » Imaginaire introduit par la confusion entre l’annonciateur et  la porteuse.

2- Le « Moi » l’opposé à « Toi », annonciateur de la naissance social de l’être provoquée par l’intervention du langage.

Les traces que l’humain gardera de l’intervention du réel, constitueront le « ça » de la psychanalyse ; mais comme je l’ai précisé le « ça » constitue l’inconnaissable, il est au-delà de tout travail intellectuel qu’il soit. C’est le lieu de la vérité du sujet.

La confusion résultante de l’interférence du « Je » de l’annonciation, et le « Mon» de la porteuse constitue l’imaginaire. Il constitue la semence de la pensée humaine. Son contenu est constitué par, d’un côté : l’écho du premier moment de vérité de l’être, et il en garde des traces au plus profond de lui même. Et de l’autre côté la réplique comme réponse de la porteuse à sa jubilation : « Mon » enfant. Et, entre ce masque de la vérité et la vérité masquée à jamais que l’humain épuisera son énergie. Ce qui constitue la culture.

 Mohamed Lamine Trifi

Docteur en psychologie, Psychologue, Psychanalyste (TUNISIE)